Les quatre Evangiles écrits par Matthieu, Marc, Luc et Jean sont quatre livres qui racontent, chacun à leur manière, la même aventure. Ce sont quatre regards, des témoignages qui disent comment le Christ, le Fils de Dieu fait homme,
a changé pour toujours l’Histoire et la destinée de l’Humanité.
Les écrivains le savent bien : dans un livre, deux parties méritent une attention particulière.
Il y a bien sûr la façon dont le livre commence. Les premiers paragraphes doivent être soignés et intéressants, pour donner au lecteur l’envie de lire la suite et de poursuivre la découverte.
L’autre partie très importante, c’est la fin du livre. Les dernières phrases sont celles qui vont certainement marquer durablement le lecteur. Les derniers mots sont ceux qu’il gardera en mémoire comme le résumé du livre, la finalité en conclusion, c’est-à-dire l’essentiel du message à retenir.
L’Ascension, le moment où Jésus quitte ce monde pour rejoindre son Père, c’est justement la fin de l’histoire de Jésus sur la Terre, le dernier chapitre à raconter pour Matthieu, Marc, Luc et Jean. Le jeudi 21 mai, nous ferons mémoire de ce moment-là dans notre calendrier liturgique. A cette occasion, je vous propose d’aller voir comment les quatre évangélistes ont terminé leur récit, quels sont les mots qu’ils ont choisis, le (ou les) message(s) qu’ils ont souhaité faire apparaître dans cette partie très importante du livre.
Luc 24, 50-53
50 - Puis Jésus les emmena hors de la ville, près de Béthanie, et là, il leva les mains et les bénit.
51 - Pendant qu'il les bénissait, il se sépara d'eux et fut enlevé au ciel.
52 - Quant à eux, ils se prosternèrent devant lui et retournèrent à Jérusalem, remplis d'une grande joie.
53 - Ils se tenaient continuellement dans le temple et louaient Dieu.
Ayant lu ces quatre derniers versets, les notions importantes que j’ai envie de retenir sont les suivantes : « Jésus bénit ses disciples », « ils se prosternèrent devant lui » et « dans le temple, ils louaient Dieu ».
Avant de partir, Jésus leur donne sa bénédiction. « Bénir », c’est « dire du bien de quelqu’un » et par extension « lui vouloir du bien ».
En réponse à ce geste, les apôtres se prosternent devant celui qu’ils ont définitivement reconnu comme le Fils de Dieu, le Seigneur venu pour leur confier son message d’amour et de paix. Ce geste, la prosternation, me semble être à la fois l’expression d’une reconnaissance, une adoration et un engagement que les disciples prennent devant Lui.
Enfin, les témoins du Christ retournent dans le temple pour louer Dieu, pour le remercier sans doute, mais également pour affirmer publiquement leur confiance en Lui et professer leur foi.
A noter encore ce verset 52, assez étonnant, qui mériterait une réflexion à lui tout seul. D’ordinaire, lorsque des amis se quittent sans vraiment savoir à quel moment ils pourront se revoir, ils sont plutôt tristes. Il est donc intéressant de lire ce verset, où Luc nous dit que, désormais séparés du Christ, les disciples étaient « … remplis d’une grande joie ! ». Indiscutablement, cette grande joie est un quatrième élément à retenir.
Marc 16, 19-20
19 - Après leur avoir ainsi parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s'assit à la droite de Dieu.
20 - Les disciples partirent pour annoncer partout la bonne nouvelle. Le Seigneur agissait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l'accompagnaient.
Dans la manière qu’il a choisie de terminer son récit, Marc est comme d’habitude très factuel et sobre. Mais, par rapport à Luc, deux nouvelles notions importantes apparaissent :
Au début du verset 20, on trouve l’évangélisation. Ayant vécu eux-mêmes le ministère de Jésus, en partageant son quotidien pendant plusieurs mois, les disciples ont maintenant l’obligation morale de témoigner. Ils en ont reçu la mission, de la part du Christ lui-même. Et on ne parle pas ici que tu temple de Jérusalem ! Marc écrit : « … annoncer partout … ». Ce « partout » ne désigne pas seulement une étendue géographique, mais aussi la pluralité des publics. C’est à tous les habitants de la Terre que la Parole de Dieu s’adresse …
A la fin de ce même verset, Marc écrit que « le Seigneur agissait avec eux … ».
Il y eut encore d’autres signes après l’Ascension et il y en a encore aujourd’hui, pour confirmer la Parole.
Le dernier mot de ce verset (et donc le dernier de l’Evangile de Marc) est le verbe accompagner. Oui, Jésus quitta ses disciples, mais depuis ce jour-là, ils ne furent plus jamais seuls. C’est peut-être cette présence concrète de Dieu, à nos côtés tous les jours, qui explique la joie … cette joie dont Luc parle dans le verset 52 : après que Jésus fut enlevé au ciel, les disciples étaient remplis d’une grande joie.
Matthieu 28, 18-20
18 - Jésus s'approcha et leur dit : « Toute autorité m'a été donnée dans le ciel et sur la terre.
19 - Allez donc auprès des gens de tous les peuples et faites d'eux mes disciples ; baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l'Esprit saint,
20 - et enseignez-leur à pratiquer tout ce que je vous ai commandé. Et sachez-le : je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. »
La comparaison est sans doute maladroite, mais avouons que ces trois derniers versets de l’Evangile de Matthieu ressemblent à ce que les militaires appelleraient un « ordre de mission ».
Tout d’abord, Jésus rappelle les « bases hiérarchiques » : mon Père qui est dans le ciel (celui qui me rappelle aujourd’hui à Lui …) m’a donné toute autorité. Je suis Son envoyé, dans le ciel et sur la terre (v. 18). Jésus redit qu’il est le Christ et comme le Père l’a envoyé, lui aussi nous envoie …
Ensuite vient le verset 19, qui précise les buts de la mission. Le premier, qui n’est pas sans rappeler la fin de l’Evangile de Marc, c’est l’évangélisation de tous les peuples :
« … faites d’eux mes disciples ». Le second, c’est l’institution du baptême.
Faites de tous les hommes des enfants de Dieu, les membres d’une même famille dans l’amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Enfin, le verset 20 nous donne les moyens qui permettront de réaliser la mission. Les militaires diraient que ce verset nous fournit les « armes ». Mais le moyen d’accomplir les desseins de Dieu n’a rien de belliqueux : il nous propose « d’enseigner une pratique ».
Il fait de ses amis (et donc également de nous !) des enseignants, des exemples à suivre.
Et nul n’aura besoin de compétences pédagogiques particulières, puisque Jésus promet Sa présence à nos côtés, tous les jours.
Il ne nous abandonne pas sur le champ de bataille : Il nous assure son aide, infaillible et fidèle. A ce sujet, souvenez-vous de ce verset, également dans l’Evangile de Matthieu :
« … ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire ni de la manière de l'exprimer. Les paroles que vous aurez à prononcer vous seront données à ce moment-là : elles ne viendront pas de vous, mais de l'Esprit de votre Père qui parlera en vous. »
Jean 21, 25
25 - Il y a encore beaucoup d'autres choses que Jésus a faites. Si on racontait chacune d'elles par écrit, je pense que le monde entier ne pourrait pas contenir les livres qu'on écrirait.
Dans le dernier verset de son Evangile, Jean semble regretter ses limites humaines et logistiques. Comme s’il s’excusait pratiquement de ne pas pouvoir en écrire plus sur Jésus …
Mais en disant cela, il révèle toute l’importance de la place que Jésus a prise (et prendra désormais) dans le monde. Toutes les choses que le Christ a faites, toutes les paroles qu’Il a dites, tout l’amour qu’Il a répandu, le monde entier n’est pas assez grand pour les contenir !
Je crois qu’en disant cela, Jean nous invite aussi à écrire la suite de l’histoire.
Aux yeux de l’évangéliste, le récit de la vie de Jésus et son message d’amour sont indissociables de l’Histoire du monde. Ce que Jésus a accompli remplit désormais le monde et c’est à nous d’écrire, dès maintenant, le grand livre de l’Histoire des Hommes, en nous inspirant de Sa Bonne Nouvelle.
Jean est le seul des quatre évangélistes à ne pas raconter précisément le moment où Jésus a quitté ce monde, mais comme Matthieu, il semble s’appuyer sur la dernière promesse de Jésus : « je serai avec vous tous les jours ». Jean nous dit que, bien que Jésus ne soit plus là physiquement, il n’a jamais été aussi présent. Aujourd’hui encore et jusqu’à la fin des temps, Sa présence remplit le monde, elle est telle que le monde entier ne suffit pas à la contenir.
En commençant cette réflexion, j’ai écrit que « l’Ascension, c’est la fin de l’histoire de Jésus sur la Terre ».
L’Ascension, c’est la fin … ? Vraiment ?
Ou au contraire, l’Ascension de Jésus serait-elle plutôt un commencement, le début d’une nouvelle aventure ?
En essayant de synthétiser, de manière certes un peu sommaire et subjective, les conclusions des quatre Evangiles, on obtient comme un chemin, qu’on pourrait appeler « le petit manuel de la vie chrétienne ». Voyez plutôt ...
L’essentiel du message à retenir pourrait être celui-ci :
Au moment de quitter ce monde pour aller vers le Père, Jésus-Christ nous donne sa bénédiction.
Il nous bénit et nous invite à nous bénir, les uns les autres. Prosternons-nous devant Lui, dans la reconnaissance. Louons-Le dans la joie ! En suivant la route qu’Il nous a montrée, soyons ses témoins et annonçons l’Evangile au monde. Dieu nous accompagne dans cette mission.
Le Fils de l’Homme nous a révélé son identité, Il a désormais tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. Il a fait de nous son Eglise, un peuple de baptisés. Sa Parole remplit le monde pour toujours et nous pouvons compter sur Sa présence, fidèle, durable et inconditionnelle.
« Et moi, je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps ! » (Mt 28, 20)
Que Dieu vous bénisse et vous garde !
Christophe Schindelholz
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