
Le dimanche 19 juillet dernier, je vous ai lu deux extraits de l’Evangile de Matthieu. Tout d’abord la parabole du bon grain et de l’ivraie, puis l’explication que Jésus donne à ses disciples à propos de cette parabole. (Matthieu 13, versets 24 à 30 et 36 à 43)
Dans mon message, j’avais souligné les questions que me posent cette parabole et je vous avais proposé de m’aider à y répondre, en m’envoyant vos commentaires.
En deux semaines, j’ai ainsi pu collectionner 16 avis différents, 16 réflexions personnelles sur ce texte de Matthieu, avec en prime plusieurs commentaires enthousiastes sur la démarche que j’ai proposée …
Vous m’en voyez ravi. Vous avez fait de moi un diacre heureux !
Alors comme promis nous relirons ces deux extraits de l’Evangile de Matthieu ce matin, puis nous examinerons comment vous avez empoigné chacune des trois questions que je vous ai posées.
Rappelez-vous cette première question que je posais il y a deux semaines.
Je me demandais si cette parabole laissait une place à la conversion des pécheurs et comment la mauvaise herbe pouvait espérer changer, pour devenir elle aussi un épi de blé …
Vous êtes plusieurs à me répondre que cette parabole de Jésus n’est pas là pour résoudre cette question-là. Personne n’a écrit que ma question était à côté de la plaque, mais c’est tout comme. Ça commence bien …
Ce qui m’intéresse, c’est que ceux qui me répondent ça ont des arguments tout à fait pertinents. En voici quelques-uns …
Les paraboles de Jésus sont là pour nous révéler le Royaume des cieux. Mais chaque parabole ne lève le voile que sur un ou deux aspects de ce Royaume. Chaque parabole illustre un enseignement bien précis et toutes ces paraboles ensemble forment un tout, qu’on retrouve en lisant les 4 Evangiles.
Donc, on peut décider que l’objectif de cette parabole-là n’est pas de présenter la conversion.
L’enjeu de cette parabole, c’est le choix que nous faisons tout au long de notre vie, le choix de vivre avec ou sans Dieu. Mais nous pouvons changer d’avis en cours de route ! Jésus nous invite à le faire, mais il y a d’autres paraboles pour parler de ça, comme celle du fils prodigue par exemple, ou celle de la brebis perdue.
Plusieurs font référence à la Genèse, pour expliquer que dès le début, la création n’est pas parfaite. Dans le jardin d’Eden, l’Ennemi est déjà présent. Depuis toujours, le mal comme le bien font partie du monde.
Nous avons été plusieurs à remarquer qu’il y a deux temps dans cette histoire : le premier qui décrit la croissance des plantes et le deuxième temps, qui est celui de la moisson. Autrement dit on nous parle d’abord la vie du monde et ensuite de la fin du monde.
Entre la semence et la moisson, il y a un temps dont Jésus ne dit qu’une chose : c’est que les plantes poussent et qu’elles poussent ensemble. Or, toute notre vie est là !
Dieu nous laisse du temps pour réfléchir et pour changer. Il nous laisse grandir et, à maturité, il nous laisse choisir si nous voulons être à Lui ou contre Lui.
Durant la vie du monde, le mal coexiste avec le bien et chacun peut choisir son camp, c’est-à-dire devenir une mauvaise herbe ou un épi de blé …
A la fin des temps, les moissonneurs feront le tri.
C’est peut-être aussi pour cette raison, pour laisser une chance aux pécheurs de se convertir, que Dieu refuse la proposition des serviteurs : « ne vous lancez pas dans une purification du monde, parce que vous risqueriez de vous tromper et de brûler accidentellement des épis de blé … »
En fait cette parabole nous invite à nous poser la question suivante :
« Où en sommes-nous avec le bien et le mal dans nos vies ? » Et ce questionnement personnel peut bien sûr conduire à une conversion !
Quelqu’un m’a fait remarquer que Jésus n’a pas fait disparaître le mal… Il nous a montré le chemin du bien, comment être des Fils du Royaume. Dans ce sens, il se pourrait que cette parabole soit une mise en garde …
Il reste forcément toujours une possibilité de se convertir, puisque comme le dit la parabole, le tri ne se fait qu’au moment de la moisson. La tâche des serviteurs n’est pas de trier ni d’arracher, mais d’annoncer que le Royaume des cieux est proche. A la fin, seuls ceux qui sont restés des irréductibles suppôts de Satan seront perdus.
J’ai eu le plaisir de trouver plusieurs exemples dans vos réponses et des liens vers d’autres textes bibliques …
Quelqu’un a rappelé ce fameux verset dans Jean 3, qui dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son fils, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle ». Dans ce verset, le mot « quiconque » signifie bien que tout le monde a sa chance, à condition de croire en Lui.
Une autre dit : Si le Christ a pu changer l’eau en vin à Cana, il doit pouvoir concevoir que la mauvaise herbe devienne un épi de blé !
Ou : Le pardon de Dieu est pour l’homme dont le cœur s’ouvre. L’apôtre Paul en a fait l’expérience sur le chemin de Damas. C’est la même chose pour tous les hommes : ils décident d’accepter ou non la grâce de Dieu.
Et quelqu’un d’autre rappelle encore que, quoi que dise cette parabole, Jésus a accepté la conversion du bon larron sur la croix, alors qu’ils étaient tous les deux sur le point de mourir ! « En vérité je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Pour celui-là, le temps de la moisson était arrivé …
Au final, quasiment tout le monde est d’accord pour dire que cette parabole est bien compatible avec cette autre déclaration de Jésus :
« Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, que pour 99 justes qui n’en ont pas besoin » (Luc 15, 7)
Je vous ai demandé aussi d’examiner cette parabole sous l’angle de la grâce, cette grâce que Dieu nous accorde toujours et qui est si chère au protestantisme.
Si Jésus nous dit que certains brûleront en enfer… doit-on comprendre que le pardon n’est pas offert à tout le monde ?
Voici comment nous avons répondu :
Oui, Dieu nous offre son pardon, sans condition. Il offre sa réconciliation et une nouvelle alliance, à qui veut bien l’accueillir dans son cœur !
Le Père nous tend la main, lorsqu’Il envoie son fils Jésus sur la terre, mais chacun de nous reste libre de répondre à ce geste, en saisissant cette main tendue ou en l’ignorant. Et ceux qui feront le choix de refuser l’amour de Dieu en assumeront ensuite les conséquences …
Dieu nous offre sa grâce, mais il faut la rechercher. Chercher le pardon de Dieu, c’est éviter de laisser le champ libre à Satan (c’est le cas de le dire !) …
Cette parabole nous dit bien que le mal n’est pas l’œuvre de Dieu. Au contraire, il prend soin des épis. Il ne les abandonne pas à la mauvaise herbe …
L’un de nous précise que Dieu ne distribue pas non-plus le pardon des péchés à tout va, mais plutôt comme une pluie bienfaisante, à chaque être humain qui se remet à Lui.
Plusieurs témoignages vont dans le même sens :
Dieu nous offre son pardon et sa grâce pendant notre vie terrestre, mais il faut que nous soyons capables de les accueillir, de les accepter et de changer de vie.
Dieu ne condamne pas immédiatement, comme ces serviteurs qui arracheraient la mauvaise herbe. Il nous laisse le temps de faire, ou de refaire alliance avec Lui.
On peut rappeler, comme le fait une paroissienne, que lors du déluge, ceux qui ont survécu sont ceux qui sont montés dans le bateau !
En plus, demander pardon n’est pas un acte unique.
C’est l’humain qui décide, à chaque instant, d’être épi de blé ou mauvaise herbe. Dieu respecte notre liberté et sera toujours prêt à accepter un repentir sincère.
Pour nous, les hommes, il est impossible de faire la différence entre le bon grain et l’ivraie, mais Dieu est capable de lire dans le cœur des hommes. Aussi, il n’est pas exclu qu’un épi de blé en apparence appétissant soit en fait dénué d’amour et qu’il finisse brûlé. Au contraire, il se peut qu’un épi chétif, mais humble et sincère, soit finalement pardonné et moissonné au dernier jour …
Une personne m’écrit : « ce qui compte, c’est de savoir que le dernier jour, le mal sera définitivement supprimé. Si les forces du mal sont actuellement très présentes dans le champ, elles seront éradiquées de façon certaine lorsque Dieu apparaîtra. »
Alors oui, la plupart d’entre nous trouve que cette cette parabole est compatible avec cette autre citation de Jésus, lors de son dernier repas avec ses disciples : « Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés » (Matthieu 26, 28)
Intéressant, non ?
Enfin, j’arrive à la troisième question.
Selon vous, puisque Jésus ne l’explique pas, qui sont ces serviteurs qui proposent au maître de nettoyer son champ en arrachant l’ivraie ? Et pourquoi le maître refuse-t-il cette aimable proposition, nourrie de bonnes intentions ?
Il faut noter que la parabole est racontée à la foule.
Au contraire, l’explication que donne ensuite Jésus n’est destinée qu’au disciples, plus tard et dans un autre lieu, une fois qu’ils sont en petit comité.
Pour beaucoup d’entre nous, les serviteurs sont justement les disciples de Jésus, que certains élargissent volontiers à tous ceux qui le suivent, y compris les femmes.
Pour une autre, les serviteurs ce sont les nouveaux disciples qui, en toute loyauté, commettent des erreurs de jeunesse. Ces serviteurs sont comparables à des enfants, qui doivent grandir en sagesse.
Deux d’entre nous ont aussi pensé que ces serviteurs pourraient être les bien-pensants, ceux qui croient détenir la science infuse.
L’une des deux a écrit : « Les serviteurs me font penser à ces pharisiens exigeants et intolérants, qui veulent absolument tout purifier. » Et l’autre dit : « Je préfèrerais presque être « une mauvaise herbe » qui pousse parmi les anges, car à leur exemple, j’aurais au moins une chance de me convertir ... »
Mais revenons aux serviteurs.
Si les serviteurs sont ceux qui reçoivent une tâche à accomplir dans le champ, alors chaque chrétien est potentiellement un serviteur ! Est-ce que ces serviteurs, aujourd’hui, ce ne sont pas les personnes qui s’engagent au service de l’Eglise : les ministres, les responsables des autorités ecclésiales, les théologiens, les prédicateurs et les bénévoles ?
Peut-être que, tour à tour et occasionnellement, chacun de nous peut se reconnaître dans le rôle des serviteurs …
Le message que Jésus adresse à ceux-là est une mise en garde : ne vous amusez pas à trier vous-mêmes le bon grain de la mauvaise herbe, parce que vous risquez de vous tromper et parce que ce n’est pas le bon moment.
Dieu, lui, agit toujours au bon moment. Il a ses raisons.
Il interviendra, quand il le faudra, pour détruire les forces du mal. D’ici là, il faut faire avec, parce que ces forces occultes sont dans le monde, tout comme les Fils du Royaume.
Seul le maître est habilité à moissonner et à reconnaître chaque plante. Dieu ne peut pas laisser ses serviteurs porter un jugement pour faire un tri, alors qu’ils n’en ont pas la compétence.
En fait, cette parabole s’adresse à nous quand nous oublions qu’au départ, tout homme est une graine à l’image de Dieu ! Qui sommes-nous pour prétendre trier les bons des mauvais ? L’un de nous a dit : « Si je suis moi-même le serviteur et que je doive faire le tri, il ne resterait plus rien dans ce champ ! »
C’est pour cette raison, comme le rappelle l’un d’entre nous, que tout homme ou toute femme doit être le ou la bienvenu(e) dans nos célébrations. Chacun doit pouvoir être accueilli sans critique ni méfiance. Gardons-nous bien de juger les autres.
Les serviteurs ne sont bons que s’ils obéissent au maître sans juger.
J’ai lu encore cette autre question, tournée de façon très intéressante à ce sujet :
« Si nous sommes les serviteurs que le maître envoie travailler dans son champ, alors nous avons certainement besoin d’être pardonnés pour toute l’ivraie que nous laissons pousser.
Le Seigneur, lui, n’a semé que le bon grain et peut-être que nous n’avons pas été assez vigilants en laissant la mauvaise herbe coloniser le champ … »
Une autre paroissienne a peut-être posé la bonne question en écrivant : « Sommes-nous ces serviteurs qui croient savoir, mieux que Dieu lui-même, ce qui est juste ou pas, ce qu’il faut faire ou ne pas faire et surtout le faire faire aux autres ? »
Jésus dit à ses disciples (et donc à nous !) : servez les autres et aimez votre prochain, mais ne condamnez personne. Si vous condamnez celui-ci ou celui-là, vous le faites sans savoir si vous arrachez de la mauvaise herbe ou un épi de blé !
Avant de terminer, j’aimerais encore relever deux ou trois choses que j’ai lues dans vos courriers et qui n’étaient pas directement des réponses à mes questions …
Quelqu’un m’a fait remarquer que cette parabole, et surtout l’explication de Jésus, ont été souvent exploitées par l’Eglise dans le passé, pour asseoir son autorité. Certes, le bien et le mal sont dans le monde, mais la vision « enfer-paradis » a bien servi l’Eglise. C’était l’époque où on essayait de convaincre par la peur.
Certains parmi nous ont imaginé que « le champ » de la parabole, ce n’était pas le monde, mais le cœur de chacun. Il s’agirait alors de considérer que le bien et le mal font partie de tout être humain. Dans le cœur de chaque homme, il y du blé et de l’ivraie, et nous avons tout le temps de notre vie sur la terre pour trier … et préparer nous-mêmes le champ pour la moisson.
Dans le même ordre d’idée, j’ai lu : « Jésus nous aime tels que nous sommes, avec nos côtés « épi de blé » et nos côtés « mauvaise herbe » … »
L’un d’entre vous m’a fait remarquer que deux éléments sont absents de l’explication de Jésus. Il y a les serviteurs, mais Jésus n’explique pas non-plus ce que signifient les mots « pendant que les gens dormaient ». Ceci pourrait nous amener à réfléchir à d’autres choses importantes. Par exemple, quand est-ce que le diable est à l’œuvre dans nos vies ?
Quand sommes-nous suffisamment endormis pour laisser le champ être pollué par de la mauvaise herbe ?
Enfin, à propos des paroles de Jésus qui dérangent, quelqu’un m’a écrit : La parole de Dieu est toujours vérité, mais elle contient des versets qui semblent se contredire. Certains nous touchent un jour et d’autres dans une autre circonstance.
Il faut veiller à ne pas construire nos convictions sur une série de versets qui nous arrangent, mais toujours tenir compte de l’ensemble du Livre.
Voilà.
J’espère que vous me pardonnerez d’avoir été un peu long, mais pour ma défense, je rappelle qu’on était 16 personnes à préparer le message de ce jour.
Que Dieu soit béni pour son Esprit, qui a ouvert notre cœur à sa Parole …
Amen.
Christophe Schindelholz (et 15 autres rédacteurs !)
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